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LEGENDES De La Kroute Empty LEGENDES De La Kroute

Lun 20 Fév - 22:46
Retrouvez ici les légendes de la Kroute, textes parfois courts, racontés par nos amis les ékailleurs



LA LÉGENDE DE MOSTRO.



J'avais entendu parler de Mostro alors que j’étais enfant. Une créature métallo qui était retournée à l'état sauvage dans les plaines caucasiennes. Même si la plupart des adultes ne prêtaient aucun crédit à ce genre de légendes, nous, les gamins, on savait qu’il y avait du vrai dans tout ça, car malgré la mise en garde de nos parents, nous rodions souvent aux abords de la route la noktaë venue et nous voyions d’étranges choses.

Dans notre village de statiques, notre seule récréation était le passage de surprenants personnages qui se faisaient appeler ékailleurs, ayant décidé de passer leur vie sur la route. La kroute comme ils la nommaient. D’après eux, cette longue langue grise d’asphalte défoncée était la preuve du passage du dieu Snake, déité reptilienne ayant laissé une terre brûlée sous ses écailles. A chaque fois qu'ils s'arrêtaient dans nos  villages, ils nous apportaient des présents venant des Conso Cités, les mégapoles géantes dont nous nous étions exclus volontairement. Et même si nos parents leur avaient tourné le dos, ils acceptaient parfois un bracelet en métallo plasty ou une paire de chausses ultra légères. Tous ces artefacts, je l’appris plus tard, n’étaient que des outils pour asservir encore plus les habitants de ces cités. Les bracelets si colorés que ma mère adorait porter ou les bottines que mon père aimait enfiler pour aller cultiver son lopin et qu’il suffisait de passer sous un filet d’eau  pour les nettoyer, étaient remplies de nano particules et de capteurs, inactifs une fois sortie de l’emprise magnétique des centrales intra muros. La vie me permit plus tard de voir de mes yeux ces chaussures aux semelles lithium, recharger des batteries géantes à chaque pas cumulés, s’inscrivant sur de jolis petits bracelets aux écrans à leds, et donnant des crédits supplémentaires à chaque palier franchi. Une étrange façon de redonner le gout de la marche à des humains dont les petits doigts de pieds s’atrophiaient de génération en génération, faisant passer cet appendice comme une erreur de fabrication de mère nature.
En échange de ces présents, nous prenions soin de leurs montures, en refaisant le revêtement de leurs grips avec du reglissol issue de la sève d’arbres caoutchouc mutants poussant près de la bordure, que Grohn, le père de Tourbe, avait découvert.  Il nous arrivait même de changer la semelle de leurs chausses avec la même matière ou de leur confectionner de nouveaux pantalons avec de vieux grips usés lorsqu’ils restaient assez longtemps, ce qui était très rare. La fabrication du réglissol ne s’était pas faite en un jour et il avait fallu l’intervention du chamane et du forgeron pour arriver à stabiliser le caoutchouc mais aujourd’hui nous étions le village qui produisait le plus résistant dans le temps et offrant une accroche adaptée aux revêtements du nomad’s land. Il n’était plus utile d’y intégrer de l’air depuis que  Thorms, le forgeron, avait eu l’idée de créer des alvéoles dans ses moules, participant ainsi à l’amorti. Même les kommandos pilotes accompagnant les convois faisaient faire un détour aux marchands pour venir nous voir et remplacer leurs vieux grips.
La plupart des ékailleurs, contrairement à nous autres en ce temps là, savaient lire et écrire.
Je me souviens avec quel émerveillement, nous nous mettions mes frères et moi autour du foyer lorsque l'un d'entre eux sortait un de ces fameux "pages qui parlent".  Une noktaë;, alors que Scintilune était pleine, et que les plus jeunes de mes frères étaient allé se coucher, Kouleuvre, un ekailleur au visage tatoué qui était arrivé en fin de journaë, commença à nous conter l'histoire de Mostro et de son pilote. Du haut de mes 15 dékades, j'avais déjà connu l'amour dans les bras de makelove, la femme-maitresse, qui représentait le passage de l'enfance à l'age adulte. Du moins, c’est ce que mon père croyait, mais il était à cent espace grips de la vérité.  Je n'étais pas encore allé chasser, et ma présence autour du foyer à cette heure tardive fut tout juste tolérée, car seuls ceux qui rapportaient du gibier au campement avaient droit de veiller, mais, mon oncle, Fume Cendre, connaissant mon goût pour les histoires, accepta que je reste assis avec eux. Et il savait que je ne chasserai pas de sitôt.

Le feu donnait un air menaçant à Kouleuvre, et ses tatouages semblaient prendre vie sur son visage, comme des petits serpents enchevêtrés.
Après avoir tiré de longues taffes sur sa tabacanne, il me la tendit. Je restais regarder mon oncle qui oscilla de la tête pour m’autoriser à y tirer une ou deux bouffées. La voix de l’ékailleur me transporta dans de lointaines contrées, qu'encore en cette période, je ne pensai jamais voir, tant il était indispensable à un village de statiques de garder ces hommes.
« Alors que je n'étais pas encore ékailleur et que je passais mon temps à suivre les courses , allant de circuits en cirucits, le cul sur la selle et la tête dans le guidon de ma monture, sévissait un kommando pilote sur les tracés de l'Universal Circus, un certain Krazy Foggy.
-l’Universal Circus ? Intervint Tourbe, le bucheron.
-C’était le nom donné à l’ensemble des courses de la saison à l’époque. Des circuits plus dangereux les uns que les autres, dans diverses contrées. J’étais un grand passionné et si je n’avais eu cette vilaine blessure à ma cuisse qui me fait marcher comme un tabouret à trois pieds, j’aurai tenté ma chance auprès d’une écurie. Je passais ma vie à suivre ces pilotes, et j’ai souvent eu la chance de les suivre dans leurs paddocks. J’ai même approché la caravane de la Skool, c’est dire !
-La Skool ? La fameuse école de mécanique et de pensée ?
-Celle là même, mon gars ! Qui se trouvait au pied du mont Ararat et qui a formé tant de pilotes tout aussi légendaires et dont certains accompagnent les convois aujourd’hui.
-Les kommandos pilotes nous racontent parfois des histoires sur cette école. Quel drame qu’elle ait été détruite
-Que la peste du cul emporte ce fils de chienne de Green Karl ! Lança l’ékailleur »
Le langage de Kouleuvre était bien différent des autres ékailleurs  que j’avais rencontré, et qui était beaucoup plus châtié. Il n’avait rien des anachorètes qui s’arrêtaient nous déposer des para médiks et qui ne restaient que peu de temps dans le village, se nourrissant de peu de choses et faisant la lecture de versets de Snake principalement. Lui avait tout d’un pirate et buvait goulument de notre alcool de pommes de GranMaTerre. Il prenait goût à glisser des perles de grossièreté dans le chapelet de ses phrases et si, au départ, les adultes le reprirent à cause de ma présence, ils finirent par se lâcher aussi et je crois bien que c’est cette noktaë ci qui m’intégra complètement au sein des grands. Kachemire s’absenta pour revenir quelques mikronoss plus tard avec une petite boite de laiton sculptée. Lorsqu’il l’ouvrit, d’agréables senteurs vinrent me caresser les narines. Kouleuvre stoppa son récit sur les courses lorsque l’odeur arriva à lui :
« Voici donc du Tabacannabis de premier choix si je ne m’abuse !
-Kachemire, pas en présence du gamin, dit mon oncle.
- Que crains-tu, l’ami ? Que ce minot comprenne que ce monde a plusieurs dimensions ?
-Je le trouve encore jeune pour faire certaines expériences.
-Crois-moi, ce que je vais vous raconter à présent va nécessiter que vous ouvriez vos portes de la perception et ces herbes de première qualité sont les clés nécessaires.
- Tarik, si tu veux quitter le foyer, rien ne t’en empêche. D’ailleurs il se fait tard. Ce qui se passe ici reste entre nous, et je ne voudrais pas que ton père, qui est bien malade actuellement, se fasse encore plus de mauvais sang à ton sujet. Me dit Fume Cendre.
-Sauf votre respect mon oncle, je voudrais rester. J’ai vu nombreuses étrangetés aux alentours de la route et je ressens beaucoup de choses. Je vous l’ai déjà dit et j’aimerai savoir si je suis fou comme le disent certains ou si mon âme est pure »
L’atmosphère changea. J’avais toujours été plus proche du frère de mon père que de lui. Je lui avais confié beaucoup de choses et notamment mes escapades avec Couleur de Blé et Brume car je savais qu’il ne me gronderait pas. Il avait toujours été tolérant envers moi et me disait que , contrairement à ce que disaient les autres, je n’étais pas dérangé, juste plus réceptif . Même le chamane voyait en moi une faculté à capter les choses invisibles et m’avait appris à vivre avec et ne pas en avoir peur. Cela rendait mon père anxieux, lui qui  craignait tant le jugement des autres. Il m’avait forcé à rencontrer la makelove et à passer une noktaë avec, croyant que cela me ferait me sentir un homme et penser à autre chose, mais l’événement au départ, avait été très désagréable pour moi car je ressentais toutes les pensées de cette femme. Il n’y avait aucun amour dans son acte premier et aucune symbiose ne liait nos corps et nos âmes. Elle m’avait connu enfant et je savais qu’elle désapprouvait ces traditions barbares. Elle vivait cela comme un viol et son cœur s’assombrissait après chaque cérémonie. Je pris sa main et fit tout ce qui était en mon pouvoir pour lui transmettre de belles ondes. Elle se mit à pleurer et m’embrassa comme si j’eus été son fils. Elle s’endormit du sommeil du juste sur mon torse. Son corps, trop longtemps suspendu dans la culpabilité, était lourd comme un rocher et je sentis une véritable plénitude en elle. Aucun acte charnel ne fut accompli cette noktaë mais ce que nous échangeâmes fut bien plus puissant.
Kachemire avait fini de tasser le tabacannabis dans la gueule de la longue pipe et l’alluma. Lorsqu’il finit d’amorcer le foyer, il me la tendit. Ce geste, lourd de sens, symbolisait son approbation à mon égard, me faisant comprendre que dorénavant je ne serai plus considéré comme un enfant. Et même si j’étais un des derniers de ma génération à ne pas être allé chasser, je faisais partie des leurs. Personne, après ma dernière vision dans les bois, n’aurait jamais voulu me confier une arme de toute façon.
Les deux bouffées sur la pipe me préparèrent pleinement au récit de Kouleuvre. J’étais dans un état que je considérais idéal, et le sourire naïf sur mon visage fit rire aux éclats l’assemblée. L’ékailleur reprit son histoire, après avoir tiré goulument sur le calumet :
« Ouais, donc faut vous dire que les yeux de ce fameux Foggy d'un bleu profond avaient fait courir les rumeurs les plus folles. Certains de ces concurrents disaient même qu'ils étaient équipés d'implants lui permettant de voir la Trajectoire parfaite. Non, mais imaginez le délire ! Je le suivais partout. J’étais béat de ce pilote ! Ses enchainements, sa vivacité et son anticipation. Par les boites à lait de la Sainte Pignonisse, vous l’auriez vu sur le tracé des crêtes. Ce type ne faisait qu’un avec sa machine.
-C’était un pilote de la Skool ?
-Pas vraiment, plutôt une écurie concurrente mais il y avait beaucoup de respect mutuel à cette époque là entre les pilotes. Il a eut sa période de gloire, qui a duré beaucoup plus longtemps que certains, et ses victoires ont été légions, mais arrivé à l'âge où les fractures deviennent plus nombreuses que le nombre de pilotes sur la ligne de départ, il décida de tirer sa révérence et de quitter définitivement les paddocks. J’en étais malade. L'écurie était prête à lui accorder un ilot aux abords des grandes Conso Cités pour le remercier de ces services rendu à l'usine, mais il ne demanda qu'une chose.
-C’était quoi ?
-Il demanda à adopter Mostro.
-Sa monture ?
-Pas vraiment. Plutôt un concept bike .
-Mais, c’était un animal ? Comme un ékida, ou un monstre ?
-Pas du tout, du moins pas encore. C’était une bécane d’acier, un cheval de fer si tu préfères. De la mécanique pure. Avec des grips et un moteur.
-Mais pourquoi il a dit qu’il voulait l’adopter alors ?
-Patience gamin. Ce truc là, c’était un prototype qu'aucun homme n'avait pu chevaucher tant elle était ingérable et puissante. Une folie, fruit du jus de cerveau d’un ingénieur. Elle demeurait à la maison mère mais Foggy l’avait vu lors d’une visite et en était tombé amoureux. Le "commendatore"…
-Le quoi ? Demanda Kachemire
-Le chef de l’écurie si tu préfères,  accepta et lui céda la clé de contact. Un petit appendice comme celui-ci, permettant de démarrer la bestiole en gros. Dit-il en sortant une étrange pièce de métal édentée »
Kouleuvre se resservit un verre de notre alcool artisanal avant de reprendre
« Peu de temps après, sur la kroute, on commença à parler d'un certain Duc, un drôle de type, chevauchant un monstre d'acier, aussi menaçant l'un que l'autre. Les autres Kommandos Pilotes comprirent de suite qu'il s'agissait en fait de Foggy et de Mostro.
-- Pourquoi Duc, d’ailleurs ? Demanda Kachemire
- Lorsque Foggy récupéra Mostro, il commença d'écorcher la coque dorsale de cette dernière pour enlever les marques de son esclavage à l'usine et sa signature
-Quel était le nom de cette écurie ?
-Rhha, je ne me souviens même pas, ma mémoire me fait défaut depuis que j’arpente seul la kroute et je ne m’arrête trop rarement discuter avec mes semblables. Toujours est-il qu’il a laissé juste les trois premières lettres sur la coque dorsale accueillant le carburant .C’est à cette époque que j’ai décidé de le retrouver mais j’étais fauché comme les blés. J’avais grillé tous mes crédits à suivre les courses et cette patte folle ne me permettait pas d’être convoyeur
-Pourquoi ?
-Parce que quand tu fais du convoi, il te faut tes deux guiboles pour pouvoir basculer les commandes de contrôle soit tout à droite, soit tout à gauche selon ton positionnement. Et un jour alors que j’étais en train de siphonner un réservoir de vigicops en bordure de la delta product one, j’ai vu un type sur une bécane chargé ras la gueule. Il a stoppé à mon niveau et m’a dit que si je devenais ékailleur et je suivais la gnose, je n’aurai plus à m’inquiéter du carburant-pétrole car j’aurai accès aux cartes secrètes mentionnant les cuves enterrées. Je lui ai dit que j’étais prêt à tout si cela me permettait de passer ma vie sur la route. Vous pensez bien que je ne lui ai pas dit que c’était pour retrouver Foggy, de toute façon, la seule chose qui l’intéressait c’est que j’arpente la longue langue grise d’asphalte pour trouver le dieu Snake. A dire vrai, leur serpent géant, j’y crois pas le moins du monde ! Et j’ai pris la kroute comme ils disent, et je peux vous dire que j’en ai entendu des anecdotes sur le Duc et sa monture.
-De quel genre ?
-Du genre que ça mettrait trop de temps à raconter.
-On a toute la noktaë, lança mon oncle, dont les yeux brillaient comme mille stellaires.
-Bein, tiens, par exemple, un ancien kommando pilote qui accompagnait des convois, m’a raconté dans un taverne un jour, qu’il avait croisé la route du Duc et qu’il avait vu sa monture boire le sang d’un embuskeur.
-Du quoi ? Mais c’est du délire.
-Ouais bein, moi je vous dis ce qu’on m’a raconté et croyez moi, le kommando en question, bein vous ne vous  seriez pas amusé à remettre sa parole en doute ! Vous auriez vu sa tronche lorsqu’il m’a raconté son histoire !
-Tu parles ! Discours de taverne, ouais.
-Par les gonades du Grand Architecte ! Figure toi que le Scintillant venait de se lever et que le seul liquide qu’on avait à cette heure ci dans les veines, c’était de la soupe noire et rien d’autres, mon gars !
-Mais comment est-ce possible ? Lançais-je
-Chose bien étrange, pour sûr. Il m’a dit que la monture avait mutée, et ressemblait à une créature métallo organique. Que ses membres supérieurs, emprisonnant le grip avant, avaient comme des poils, et que son phare d’alors ressemblait à deux yeux de félins luminescents.
-Délire de meskaleux !
-Le meskalite n’a rien à voir là dedans mon ami, lança l’ékaileur à l’attention du bucheron.
-J’ai vu de telles créatures, m’hasardais-je.
-Tarik, pas maintenant, me dit mon oncle.
-Non , non, au contraire, racontes nous gamin.
-Je les ai vu, en troupeau, de l’autre côté de la langue grise d’asphalte, sur le tertre des ancêtres. »
Pour la première fois, personne ne se moqua de moi ou tenta de tourner à la dérision mes récits.
« De pures créatures métallo organiques sauvages. C’est bien possible. Beaucoup de mes frères ékailleurs mentionnent leur présence aux alentours de votre village de statiques.
- Doit-on les craindre ? Demanda Tourbe.
-Non, il n’y a plus eu aucune attaque à ce que je sache et ce, depuis très longtemps.
-Ah bon, parce qu’il y en a eu d’autres? S’inquiéta Kachemire
-Elles ont plus peur de nous que l’inverse. Elles nous craignent. Elles savent ce que nous pouvons leur faire subir. Je l’ai senti dans leurs pisto poumons lorsque je les ai vu. Dis-je»
Mon oncle me regarda, et pour la première fois je ressenti de la compassion dans ses yeux.
L’ékailleur reprit :

« Les gérants de cuves de carburant pétrole, encore ouvertes en ce temps là, redoutaient leur passage. Mais, chose étrange, aucun d’entre eux n’eut la visite du mystérieux binôme, à croire que la monture n’avait pas besoin de s’alimenter. A cette époque, ça craignait vraiment pour les propriétaires de station service car c’était la pénurie partout et les attaques étaient nombreuses. Ces types là avaient crées une sorte de consortium se soutenant les uns les autres et ils étaient en communication régulière. Ils s’informaient des passages de pirates de l’asphalte, et autres pillards et ces stations étaient devenus de véritables forteresses. On a jamais su qui avait fait installer les cuves enterrées ni comment certains comme les ékailleurs, ont eu les cartes des emplacements mais faut avouer que sans elles, beaucoup d’entre nous serions des pieds tendres ou des statiques, comme vous. Toujours est-il que Foggy qui ne répondait qu’au nom de Duc à présent, et Mostro,  continuèrent d’errer sur la route, vivant de l'argent gagné à affronter les meilleurs pilotes-embuskeurs sur des portions de plus en plus dangereuses. A chaque fois que je passais où ils passaient, il y avait des victimes. Le binôme sortait vainqueur de tous ces duels. Mais, au plus Duc gagnait, au plus il devenait fou! La fièvre de la victoire montant en lui, il commença à dénigrer sa monture. L'insultant parfois, alors qu'il avait trop bu de meskalite. Le symbio finit par ne plus opérer. L'homme pensa qu'il était le maître absolu, et que la machine n'était qu'un instrument servant son talent! On m’a raconté qu’un soir, alors qu'il fêtait une énième victoire, il prononça cette phrase, en réponse à son adversaire vaincu, qui lui demanda s'il aurait autant de succès avec une autre créature:
-Donnez moi n'importe laquelle et je finirai premier!
En disant cela, Duc espérait secrètement se séparer de sa monture, qu'il avait de plus en plus de mal à piloter et contre laquelle il devait se battre pour arriver à ces fins.
Une noktaë, il s'endormit au pied de l'enclos des montures de combat où il avait parqué Mostro, qui était habituée à dormir en liberté. J’ai pu voir ce genre d’enclos et je peux vous dire que les montures de combat sont pas belles à voir ! Ces fils de hyènes d’embuskeurs n’ont aucun respect pour la mécanique. Et leurs anatomécanistes sont de vrais mécanichiens, passez moi l’expression. Ils s’autorisent tous les mariages contre nature, tant que ça roule. J’en ai encore la nausée rien que d’y penser ! Désolé pour l’aparté, mais fallait que ça sorte, car je peux vous dire que depuis lors, ma vision sur Foggy a changé et lorsque j’ai su que le lendemain matin, il avait été retrouvé mort, le guideur de sa créature enfoncé dans le ventre, je n’ai eu aucune peine pour lui.
-C’est quoi le guideur ?
-Une sorte de corne sur laquelle sont fixées deux poignées pour le pilote, tiens, regarde, comme sur ma monture, tu vois gamin ? Dit il en montrant sa bécane qui attendait sagement, appuyée sur une solide béquille, proche de la yourte des pèlerins, accueillant quiconque demandait asile pour quelques noktaë. Cette yourte était présente dans chaque hameau de statique, mais suffisamment éloignée de celles du village car la méfiance restait mère de sureté. Les voyageurs ne le savaient pas mais ils étaient surveillés de près durant tous leurs séjours par des statiques servant de sentinelles et invisibles à l’œil pour qui ne connaissait pas leurs méthodes de camouflage. Je m’attardais sur sa monture et fut surpris de la quantité de chose présente dans les filets d’aciers fixées sur ses flancs arrière. Des livres, des vêtements, des ustensiles et je me demandais comment il arrivait encore à piloter un tel catafalque sur grip.
-Les créatures que j’ai vues n’en portaient pas.
-Tu as entièrement raison, les créatures sauvages n’ont ni guideur, ni selles.
Il reprit

-Une battue fut organisée quelques temps après. La première de l'histoire chez les embuskeurs, car Mostro avait disparue. Pas que ces derniers se soucièrent de la destinée de la créature, surtout qu’à la fin, d’après ce qui m’a été rapporté, Duc ne prenait plus soin d’elle et elle n’était que lambeaux de métal. Seulement, après sa disparition cette fameuse noktaë, leurs créatures commencèrent à disparaitre également! Seules les selles et les guideurs furent retrouvés, tordues et déchiquetées. Deux makronoss après, alors que le Grand Scintillant tirait sa révérence, le guetteur du campement, qui était censé surveiller l'enclos pour éviter de nouvelles disparitions, fut ébloui par ce qui semblait être un énorme phare sur le sommet d'une colline. Une eskouade fut dépêchée pour aller voir ce qu'il en était. Et, à leur grande stupéfaction, une fois arrivée au sommet de la colline, ils se rendirent compte que ce fameux phare n’était autre que les optiks des créatures disparues, tous allumés de concert, reliés à une ventilo-génératrice! L'eskouade se rendit compte trop tard qu'elle était en fait victime d'une embuscade! Les embuskeurs...victimes d'une embuscade orchestrée par leur anciennes créatures ! La boucle était bouclée! On ne retrouva que les corps des hommes! Pas une seule trace des bestioles!
-Rhha, mais c’est du délire ! Un conte pour enfant, tout simplement. Comment ces bestioles auraient pu mettre au point un tel stratagème. Et comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu d’autres victimes depuis. Et d’un coup d’un seul, ces bestioles se mettent à vivre ? Non, je n’y crois pas un seul instant.
-Le Rycine. Murmura Tourbe, le bucheron.
-De quoi tu parles ? lui lança mon oncle.
-Mon père que vous avez bien connu et qui m’a tout appris des arbres, m’a parlé du Rycine sur son lit de mort, cette sève issue de grands résineux vivant en bordure d’une faille et qui donnerait vie aux créatures métallo. A présent je le crois, moi, pauvre insolent, qui l’ait pris pour un fou à l’aube de son départ. Honte à moi.
-Ne t’en veux pas, lui dit mon oncle, en posant sa main sur son épaule. Qui aurait pu croire à une histoire aussi incroyable, si ce n’est nous, imbibés d’alcool de pommes de GranMaTerre et enfumé jusqu’aux os de l’extraordinaire tabacannabis de notre ami Kachemire.
Nous rirent tous de concert et cela nous fit le plus grand bien.
-Je crois que tu viens d’apporter un nouveau chapitre à mon histoire, mon cher ami ! Dit Kouleuvre.
-Il me dit que ce Rycine trouvait son origine dans la lave souterraine du mont Ararat, circulant dans une faille en bordure du nomad’s land, et que des résineux y plongeaient leurs racines. Des arbres…
-Immenses ? M’hasardais-je
-Non, au contraire, de petits arbres, rabougris et sombres, mais cachant une forêt souterraine les faisant communiquer les uns avec les autres, leur envoyant des signaux et les prévenant des dangers comme des incendies ou des maladies. C’est d’ailleurs pour cela que mon père me dit qu’ils avaient survécu à tout grâce à leur petitesse et au peu de feuillage qu’ils exposaient.
-Ce n’est pas la première fois que j’entends parler d’un tel carburant et des pouvoirs de la lave du mont Ararat, mais je me méfie parfois de la déformation de certains récits. Mes frères ékailleurs en sont friands et aiment enjôler de simples histoires pour les rendre fantastiques.
Mais cela expliquerai beaucoup de choses. Dit-il, comme à lui-même.
-Ces créatures ne sont pas toutes pacifiques alors. Certaines ont tués ces hommes quand même.
-Je pense qu’elles ont trouvés la paix à présent. Et tant que nous resterons loin les uns des autres, il n’y aura aucun risque à mon humble avis, dit mon oncle. Bon, je crois qu’il est tant d’aller se coucher. Tarkan, allez, viens.
Il s’était levé et me fit signe, mais c’était plus fort que moi, il fallait que je sache et la présence de Kouleuvre était une opportunité inespérée.
-Et si l’une d’entre elle s’approchait comme pour communiquer avec nous ? Lançais-je à l’attention de l’ékailleur.
-Oh, toi, tu en sais plus que ce que tu veux bien nous dire, gamin. Tu as l’air de ressentir les choses que nous ne voyons pas, alors je pense que si cela t’arrivais tu serais en mesure de savoir si cette créature te veux du mal. Je ne sais pas plus de choses que toi. Il me semble en avoir vu traverser la kroute les noktaë de pleine scintilune, mais il m’arrive de voir tant de choses et je roule tellement et dans tellement d’états que ce n’était peut être qu’une illusion après tout.   »
Il finit son verre et se leva péniblement. Il réussit malgré sa jambe folle, à se rendre jusqu’à la yourte et ses ronflements ne tardèrent pas à perturber le hululement des chouettes guépards. Mon oncle et les autres se dirigèrent vers leurs habitations, quant à moi je pris la direction de la roulotte, réservée d’habitude  aux contagieux, cependant j’avais préféré laisser mes parents tranquilles pendant la convalescence de mon paternel. Il avait du mal à se remettre de son empoisonnement. Tête dure qu’il était, il disait à qui voulait l’entendre que GranMaTerre, si elle était soignée et chérie par le soc d’une charrue aimante, ne pouvait pas nuire à son laboureur, pourtant sa terre adorée avait bien failli le tuer en infectant son sang à cause d’une blessure mal cicatrisée, et les semelles en lithium de ses nouvelles chausses avaient même dû aggraver la plaie. Le chamane avait interrogé les esprits pour qu’ils lui donnent les ingrédients nécessaires pour concocter une mixture. La guérison était lente mais mon père avait repris forme humaine et le sac d’os commençait de se regonfler de muscles et de chair. Mes frères avaient trouvé asile chez mon oncle et ma tante et ce n’était pas pour leur déplaire car ils purent ainsi dormir aux côtés de leurs quatre cousines qui faisaient déjà tourner les têtes des jeunes hommes de notre village.
Je sentais le froid recouvrir mes épaules au plus je m’éloignais du foyer et de sa lumière rassurante, mais le ventre rond et luminescent de scintilune guidait mes pas.
Kachemire assurerait le premier quart de garde cette noktaë, quant à moi, je ne tarderai pas à intégrer les tours de veille comme les autres jeunes adultes, même si mes visions, comme ils disaient, risquaient de me faire sonner l’alerte bien trop souvent et pour rien. Je les soupçonnais d’ailleurs de repousser mon intégration à cause de ça. Ceci dit, je ne m’en plaignais pas et je souhaitais dormir du soir au matin sans interruption le plus longtemps possible. La créature était là, à m’attendre, bien sagement, tapie dans l’obscurité offerte par les branches d’un immense conifère dont Tourbe m’avait dit le nom plusieurs fois mais que je n’arrivais pas à retenir. Elle me laissa l’approcher et je pus poser ma main sur sa coque dorsale en alumite. Le contact fut moins froid que je ne le craignais. Les écorchures avaient mal cicatrisées. Les trois lettres de couleur rouge étaient légèrement en relief, semblable à une chéloïde. J’avais réussi à faire fabriquer une tige d’acier courbée par le forgeron, en lui décrivant ce que je voulais. Il n’avait pas cherché à en connaitre l’utilité. Je me félicitais, en voyant le résultat, de lui avoir fourni un croquis à l’échelle respectant les bonnes proportions et surtout le bon diamètre de cet organe que je savais à présent s’appeler guideur. C’est elle qui, au travers de mes pensées, m’avait demandé de le faire fabriquer. Elle avait lu en moi et savait que je ne lui voulais aucun mal. Pour la selle, je dus me débrouiller et je ne trouvais rien de mieux que le bois pour la confectionner. Il me suffit d’y coller une couche de réglissol alvéolée pour assurer un certain confort. Le plus dur fut de trouver un prétexte pour m’absenter des labours afin de la terminer à temps. Car Mostro m’avait dit vouloir partir une nokatë de pleine scintilune. J’aurai pu attendre un autre cycle mais je crois qu’elle et moi étions impatients de prendre la route.
A cette époque, je n’eus pas de mal à quitter mon village, et je sus, lors de mes premiers tours de grips, que j’étais né pour être pilote. Mes dons me servirent à anticiper les embuscades et autres pièges et je n’eus pas de mal à trouver ma place dans les convois lorsque je cherchais à manger de façon régulière et en quantité suffisante. Certains pilotes, des plus anciens, regardèrent ma monture avec surprise au début et nombreux s’inquiétèrent de ne jamais me voir faire halte lors des ravitaillements. Mostro m’incita à faire semblant de remplir sa coque dorsale de carburant pétrole pour ne pas éveiller les soupçons. Elle se contentait de peu de Rycine pour continuer à vivre et c’était une bonne chose car cette nourriture ne pouvait être stockée dans des jerricans car elle perdait de son pouvoir nutritif au bout d’une dizaine de makronoss. Avec le temps, j’appris que la faille souterraine serpentait sous tout le nomad’s land et que les sombres arbustes pullulaient. Nous vécurent de bien belles choses et je sais à présent pourquoi elle décida de reprendre une hôte sur son dos. Je le compris un jour où nous accompagnions une immense caravane composée d’une centaine de roulottes motorisées transportant  des denrées précieuses à destination de la conso cité de Tarmak. Mostro était aux cotés des créatures des kommandos pilotes. D’ici, elle ressemblait à l’une d’entre elle. Nous avions pris soin de cacher sa pilosité sous des bandes thermiques et autres caparaçons, mais elle était la seule à se ternir droit sur ses grips, sans l’aide d’aucune béquille. Ce détail me faisait toujours rire sauf lorsqu’il attirait le regard des anatomécanistes des convois chargés de l’entretien des montures. J’avais eu beau lui demander de jouer le jeu, elle m’avait fait comprendre qu’elle porterait une béquille lorsqu’elle serait vieille et impotente. Pour le reste, je feignais de m’occuper moi-même de l’entretien de ma monture pour qu’aucun d’entre eux ne l’approche et constate sa mutation. Comme nous étions un binôme sans contrat, aucun n’y vu une quelconque objection, appréciant au contraire d’avoir une machine de moins à entretenir.
En m’approchant, je pus constater qu’elles étaient stationnées à proximité des sombres arbustes marquant l’emplacement de la faille et dont les immenses racines plongeaient dans la lave. Mostro , au travers de ces durits métallo organiques, pompait le précieux Rycine directement dans la sève élaborée. Je sais qu’elle ressenti ma présence mais n’en fit pas cas. Je vis un des côtés de son membre supérieur se détacher du grip, pour venir, à l’aide de son étrier de frein qui avait muté et dont les pistons ressemblaient à de petites ventouses à présent, se poser sur le bouchon de coque dorsale d’une de ses voisines, afin de le dévisser. Une de ses durites, gonflée par la quantité de Rycine, vint se loger dans l’orifice pour déverser le précieux liquide. Elle fit de même avec toutes les montures qui étaient à ses côtés.
Elle cherchait tout simplement à libérer ses sœurs et il lui fallait un moyen de passer inaperçue. Je ne lui fis jamais de reproches car grâce à elle je vis tant de choses. Elle me permit de franchir les portes de la conso citée interdite, de voir les roches d’eau suspendues et kroute fendre. Elle me mena sur les ruines de la Skool et les hauteurs de l’Ararat. Nous revîmes même Kouleuvre sur une portion déserte et il faillit en faire une syncope. Elle me fit rencontrer celle qui devint mon épouse et qui me donna de beaux enfants. Elle aussi a eu des enfants à sa manière, avec toutes ces créatures auxquelles elle a insufflé la vie.



Aujourd’hui, je suis un vieil homme et Mostro a consenti à ce que je fixe une béquille sur son flanc. Je n’ai plus besoin de me concentrer lorsqu’elle s’adresse à moi. Le symbio est bien plus qu’un art de piloter, à présent je le sais. Nous ne sommes jamais retournés dans mon village, préférant garder ceux que j’y ai connu  bien vivant dans mon esprit.
Cette noktaë, scintilune a le ventre rond et luminescent, comme la fois où nous avons pris la route. Ma tente est ouverte et mon épouse s’est endormie. Le village que j’ai bâti avec elle prospère et je n’ai aucun regret, que d’incroyables souvenirs. Je te regarde ma vieille amie et je me rappelle la promesse que je t’ai faite.
Mes articulations me font souffrir, mais pour la dernière fois, je vais saisir ce guideur qui n’en a que le nom car tu n’en a toujours fait qu’à ta tête et es bien allé où tu as voulu, avec ou sans mon consentement. Cependant, ce dernier voyage, nous le voulons tout  les deux, et nous sommes d’accord sur la destination. Je ne sais pas si j’arriverai à enjamber tes flancs pour la dernière fois et à m’asseoir sur cette selle usée par tant d’espace grips parcourus et encore moins si j’arriverai à descendre sans te faire chuter lorsque nous serons arrivé au sommet de ce tertre, où je t’ai dis que j’enterrerai ces deux symboles de votre asservissement à ma race.
Demain, Gaïna, ma douce compagne cherchera ma présence de sa main dans notre couche, mais lorsqu’elle ouvrira les yeux et que toi aussi tu auras disparu, elle comprendra.
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LEGENDES De La Kroute Empty Re: LEGENDES De La Kroute

Jeu 23 Fév - 20:35
ORIGINE

J'étais assis au comptoir de la Bielle Volante, la seule taverne ouverte à cent espace grips à la ronde de la Skool. Vous ne pouviez pas rater son enseigne lumineuse fabriquée par le taulier, avec une immense bielle de tractosaure de chantier depuis longtemps disparu, sur laquelle il avait vissé deux énormes ailes assemblées avec des lames de Saigneurs recyclées en plumes pour l'occasion. Une hérésie pour le maître d'armes de l’École!
J'étais en train de détailler ce petit piston en aratium, cet alliage considéré comme l'un des plus résistants sur le globe dont la formule restait jalousement gardée par Eta Damdéméto, et qui avait permis aux moteurs des créatures métallo de se passer définitivement de lubrifiant. Ce petit piston de tronçonneuse de combat avait été converti en verre à liqueur, rempli à ras bord de mescalyte, par ma serveuse préférée, la délicieuse Syphilia. Un concentré de beauté, et une boîte de pétri de m.s.t. ambulante! Une seule de ses caresses pouvait vous filer une chaude pisse de tout les diables et vous empêcher de grimper sur une selle pendant des mois. Tchief, le patron de la Bielle Volante l'avait sorti des rues de Delta Product One où elle gagnait sa vie comme Make Love. A elle seule,elle avait fait plus de dégâts que la Peste Sombre.
Elle avait fini son service et s'était assise à mes côtés, pour que je lui raconte une énième histoire de combat sur la kroute, lors des konvois auxquels j'avais participé et si cela pouvait se terminer avec une petite histoire d'amour, elle serait ravie. J'avais beaucoup d'imagination et j'arrivais toujours à retomber sur mes pattes, en inventant l'arrivée d'une kartografe aux cheveux couleur de blé ou à la peau d'ébène. Syphilia restait me regarder comme une enfant à qui on lit un conte de fées avant de s'endormir.
« Pourquoi Aragatz?
-Pardon?
-Pourquoi tu te fais appeler Aragatz? Je sais que vous, les pilotes, vous pouvez choisir votre nom de baptême à la Skool. Pourquoi as-tu choisi celui-là? »
Sa question me prit de cours. J'avais préparé une histoire de rapt d'habitante d'un village de Statiques, à la beauté sauvage. Un truc où ça tranchait dans tous les sens mais qui se terminait bien à la fin, bien au chaud dans une yourte. Et là, elle me renvoyait à mon passé sans ménagement.
« Pas ce soir Syphilia.
-S'il te plaît »
Lorsqu'elle faisait ses yeux de biche, rien ne pouvait lui résister, surtout pas un chasseur comme moi.
« Ok gamine! Cela vient de mes ancêtres...D'un de mes ancêtres, plus précisément. Un incompris, qui vivait sur les bords du lac Sevan. Il rêvait de parcourir les océans, de naviguer sur des géants des mers. Sa famille était pauvre et vivait de la pèche.
-Il était beau?
-Foutre non! C'était un rustique, du genre avec des gros sourcils et des poils longs comme des cheveux sur les avant-bras »
Elle se mit à rire aux éclats, laissant apparaître sa dentition horrible, bouffée par des années de carence et de métadrug, mais ses yeux vous faisaient oublier ce détail.
« Il ne rêvait que de partir
-Et il l'a fait?
-Oui. Un matin, il a pris son baluchon et a embarqué sur un navire marchand de la Mer Nokturne où il a servi pendant quelques semaines. Ensuite, il a volé une barque pour traverser la Mer des Murmures et rejoindre une autre embarcation. C'est là que le bateau sur lequel il était matelot a été attaqué par des pirates. La plupart de l'équipage passa par le fil de la lame mais sa forte constitution lui permit de tenir tête aux assaillants et même de briser le coup de quelques uns. Arbrakam Le Rouge, le capitaine pirate l'épargna et lui proposa de rejoindre son équipage. Il connaissait bien le navire et il n’aimait pas l’ancien équipage de toute façon.
-Wouah! C'est devenu un pirate alors?
-Mieux que ça, gamine! Attends la suite. Le bateau appartenait à un armateur, adorateur de la Sainte Pignonisse
-La déesse des Skullteurs Mekanists ?
-Oui, celle-là même. Cet armateur avait demandé à ce que la proue soit à l’image de la déesse et Arbrakam en avait horreur et disait que ça porterait l’œil à l’équipage. Aragatz , mon ancestre, qui était plutôt doué de ses mains, proposa de lui resculpter le visage.
-Il avait appris ça où ?
-Il avait déjà sculpté des mascottes et des petites figures de proue pour les bateaux de pêche de son village . Le résultat enchanta Le Rouge . Et le plus extraordinaire, c'est que du jour où la figure de proue fut modifiée, les butins des pirates ne cessèrent d'accroître, faisant de son équipage le plus redouté de toute la Mer de la Méditation. On raconte qu'il y a avait tellement de sang versé sur le pont du Mégalion que le bois finit par devenir rouge.
-C’était le nom du bateau ?
-Oui, l’un des plus gros galérion de la flotte de l’armateur.
-C’est quoi un galérion ?
-Mais dis moi, t’as la bouche remplie de questions ce soir. C’est un immense bateau, un mélange entre une galère et un galion. Mais leur plus gros butin fut un immense chargement de tabakannabis venant de plantations de Palakila. Arbrakam promis à mon ancêtre qu’après une dernière attaque il le laisserait partir avec une partie de ce butin. Mais, une noktaë, alors qu’ils avaient jeté l’ancre aux abords de l’ile Pieuvre , un galérion s’approcha d’eux sans les voir.
-Comment est-ce possible ?
-Lorsqu’un pirate accoste, nul ne peut voir son navire. Il connait tous les recoins pour préparer un abordage et l’ile Pieuvre est un vrai labyrinthe. Le capitaine du galérion était un jeune officier. Peut être qu’un vieux loup de mer aurait évité ce chenal. Pour sûr même. Mais l’histoire eut été différente. L’équipage du Mégalion n’en fit qu’une bouchée. Le navire sabordé avait le ventre plein d’épices, de tapis venant des plaines de l’Ararat et de belles Urartiennes aux yeux d’un noir profond et aux cheveux longs comme la crinière des chevaux sauvages. Ils se rendirent compte que les épices étaient bien plus puissantes que les metadrugs actuelles et l’équipage devint fou. Aragatz qui s’était promis de ne jamais toucher aux drogues fut terrorisé par ce qu’il vit. Les urartiennes furent violées et massacrés et lorsqu’ils n’en trouvèrent plus, l’équipage s’entretua, encore sous l’effet des psychotropes. Arbrakam Le Rouge s’enferma dans sa cabine et se tira une balle dans le crâne.
-Ton ancêtre survécu ?
-Oui. Il réussit à sauver une des femmes que les pirates avaient accroché au dessus d’un brasier sur le pont . Dans leur folie, ils pensaient que c’était une sirène et ils voulaient la fiare cuire pour la manger. Ils sautèrent par-dessus bord et nagèrent jusqu’à l’île Pieuvre.
-Ils eurent des enfants et vécurent heureux ?
-Pas vraiment ma belle. L’urartienne était en fait un urartien. Les hommes et les femmes de ces contrés se ressemblent à cause de leur longue chevelure. Désolé, t’aura pas ton histoire d’amour ce soir, ma petite Syphilia ! Dis-je en riant. Allez, ressers moi un dernier godet et je te raconte la fin.
Elle attrapa la bouteille de Mescalyte et la plaça devant moi. Tchief était couché depuis belle lurette et il ne viendrait pas me demander de régler mes consommations. Quant à Syphilia, elle était pendue à mes lèvres et se foutait éperdument des recettes de la taverne à cette heure-ci. Je pris une lampée et repris :
-Les urartiens sont des gens surprenants. Et Aragatz put s’en rendre compte rapidement. Sur l’ile Pieuvre il n’y a rien ! Même pas une taverne. T’imagines ? Venusday apprit à mon ancêtre à survivre sur ce caillou immergé
-Venusday, c’était le nom de l’urartien ?
-Oui. C’est grâce à lui qu’Aragatz a survécu.
-Ton histoire est extraordinaire ! Je crois que c’est ma préférée. Combien de temps ils sont restés sur l’île ?
-Cinq années. Un boatainer, un bateau transportant de la marchandise sur les villes flottantes, finit par passer à proximité de l’épave du Mégalion. C’était un navire de la flotte du même armateur. Il avait équipé toutes ses embarcations de balises GiPoS. Il avait été dérouté pour tenter de retrouver le chargement de Zykral qu’il y avait à son bord mais Arbrakam Le Rouge l’avait caché lors d’une escale. C’est Venusday qui fit des signaux en enflammant des racines de résineux. Mon ancêtre fut sauvé in extremis. Il finit par retourner auprès de ses proches et ne reprit jamais la mer. Il finit sa vie en sculptant des mascottes de proue des bateaux de pécheur de son village et il mourut en paix, auprès de ses nombreux enfants.
-Et que devint Venusday ?
-Il retourna auprès des siens aussi mais ils ne se revirent jamais. Mais il m’est avis qu’ils se souvinrent l’un de l’autre jusqu’à leur dernier jour.

Syphilia avait les larmes aux yeux. Elle m’embrassa et je sentis ma joue humide, que je m’empressais d’essuyer avec un chiffon que j’avais trempé dans le mescalyte.Elle me demanda de tirer la porte de la taverne derrière moi, mais que je pouvais prendre le temps de siroter ma bouteille tranquillement. Je la vis monter les escaliers qui la menaient à sa couche. Cette noktaë, je ne la rejoindrais pas. Je me remettais à peine du dernier traitement anti-mst qui j’avais pris après une partie de jambe en l’air avec elle et j’avais encore de vilains ganglions aux entrejambes qui m’empêchaient de reprendre les konvois.
Je n’oserais jamais lui dire que je lui avais honteusement menti et que j’avais entendu cette histoire rocambolesque de la bouche d’un ékailleur qui savait lire et qui m’avait conté les aventures d’un homme et de son esclave sur une île déserte. J’avais certes pris des libertés avec le récit originel mais demain elle ne s’en souviendrait plus…Et moi non plus d’ailleurs.


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