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LES VOLIGEURS DU CIEL Empty LES VOLIGEURS DU CIEL

Ven 11 Aoû - 10:24
Mon père me disait que si le monde dans lequel je vivais ne me satisfaisait pas, je n’en avais qu’à créer un autre. Et c’est ce que j’avais fait. Je vivais dans ma bulle depuis des années. J’avais bourlingué de petits boulots en petits boulots pour subvenir à mes besoins physiologiques pendant que mon cerveau continuait d’errer dans mon univers fantasmagorique. Rien ne me faisait suer , surtout pas le travail. Je m’étais adapté en apparence et je donnais le change. J’avais été tantôt docker dans la mégapole de Massilia, coursier spatial, pigiste, vérificateur d’installations énergétiques, apprenti soudeur orbital, et enfin pompier sur un site qui fabriquait des vaisseaux militaires. La loi du marché aux bords si tranchants avait fini par crever ma petite bulle et je m’étais retrouvé à la rue, comme la plupart de mes potes. Lorsque je regardais mon curriculum vitae, je ne voyais aucune ouverture vers un nouveau job, juste des voies sans issues.
J’étais allé voir un conseiller d’état en vue d’un reclassement et il m’avait dit qu’à mon âge il me serait difficile de changer encore mon fusil d’épaule. Ça tombait bien, je détestais les armes. En repartant de son bureau situé au trentième étage de la tour du Conseil, j’avais remarqué des types qui bossaient sur la toiture d’un petit pavillon qui serait surement frappé d’alignement d’ici peu pour construire un immeuble grand standing réservé à l’élite de la société en semi retraite, car ces gens là n’arrêtent jamais vraiment de bosser. La providence fit que l’ascenseur tomba en panne au niveau du deuxième étage et j’eus le loisir d’admirer la dextérité de ces gars qui n’avaient que pour seul outil un marteau à la forme étrange et une tige d’acier plantée dans une échelle de bois sur laquelle ils coupaient des ardoises. Qui était assez fou, à une époque où le tout automatisé prenait le pas sur le savoir faire humain, pour travailler sous un soleil de plomb, dardant ses rayons sur une toiture brulante. Le gouvernement de Planète Immaculée avait mis en garde contre les effets néfastes de cette étoile qui jadis avait été vénérée comme un dieu et qui aujourd’hui était craint comme le diable. La plupart étaient torse nu, portant juste un short et une casquette ou un chapeau à bord large pour les plus prudents.
L’ascenseur se débloqua et je les perdis de vue, reprenant mon statut de simple terrien. Je montais dans mon indivicar électrique qui se rechargeait en roulant sur le filo guideur du réseau, et pris la route me ramenant à mon home-container . Je l’avais isolé par l’extérieur avec des membranes water gel que j’avais acheté une misère à une société qui avait tout misé sur ce procédé soi disant miracle et qui avait fini par faire faillite. Mais je ne m’inquiétais par pour ses salariés qui seraient de nouveau embauchés par leur patron qui créerait  une nouvelle société posant des panneaux miracles transformant la chaleur infernale en froid polaire.  Le water gel se solidifiait la nuit et redevenait circulant le jour, à condition que les nuits soient fraiches. Et cela faisait des années que ça n’arrivait plus l’été. Par contre, cela marchait à merveille l’hiver, justement lorsque vous aviez besoin de chaleur. Pour cette période, il me suffisait de grimper sur mon vélo d’appartement-compresseur. Cela avait deux avantages, me réchauffer les guiboles et le reste du corps rapidement, et faire fonctionner l’échangeur. L’autonomie n’était pas dingue mais j’étais un lève tôt, et je n’étais pas fan d’eau bouillante pour les douches.
Assis devant mon écran d’indivi computer à regarder des reality show mettant en scène des petites pépés genmod aux corps parfaits et aux tenues légères , je réfléchissais à mon avenir incertain . D’habitude une tabakannabis m’aidait à relativiser mais ce soir, c’était l’inverse et j’étais au bord du bad trip. Il faudrait que j’en touche un mot à mon revendeur qui avait dû changer de fournisseur.
Cela me coupa l’envie de regarder ces niaiseries. Il fallait que je me couche avec un désir de me lever demain. Je savais que mon activité de pigiste pour magazine à petit tirage imprimé sur du seaweed paper,ne me suffirait pas, même si je me régalais à écrire des histoires extraordinaires de quelques caractères. De toute façon, le rédacteur m’avait joliment dit que mes récits seraient bientôt remplacés par une pleine page publicitaire histoire de sauver pour quelques temps le mensuel qui s’était transformé en bimestriel. Ma plume lui plaisait bien mais il m’avait fait comprendre qu’il était l’un des seuls et que le directeur trouvait mes histoires trop perchées.
Je tapai « couvreur –zingueur » dans la barre de recherche et après avoir épluché les premières pages qui m’orientaient vers des entreprises du gouvernement et autres consortiums, je vis qu’une petite entreprise familiale avait son dépôt à quatre espace grips de chez moi.  Après tout, j’avais été pompier, j’étais intervenu sur des feux de toiture, je savais souder, j’étais plutôt sportif et je ne craignais pas de travailler dehors. Je  fis une auto évaluation de mes compétences devant un whisky, puis deux, puis trois et je me couchais plein d’assurance, hâte au lendemain.
Allongé dans ma bannette, je fis un rapide récapitulatif de ma vie et je dus me rendre à l’évidence que ma condition de créatif névrosé était due à mon inadaptabilité sociétale. Les artistes comme disaient les gens qui , pour la plupart prononçaient ce mot comme une insulte, étaient incapables de s’intégrer. En créant leur propre monde, ils fuyaient juste la réalité pour trouver un confort malsain dans le leur. Et j’en faisais partie. Pourtant, il m’aurait suffit de prendre un abonnement au metaverse pour me connecter chaque soir au monde virtuel pour adhérer au rêve d’un autre névrosé qui avait réussi. J’aurai même pu y créer une plateforme, développer mon délire, au mieux faire adhérer d’autres illuminés mais cela n’aurait fait que m’enfoncer un peu plus dans la folie. Je ne voulais plus exister ailleurs. Je voulais exister ici !
Je me réveillai exténué, enchevêtré dans les draps, signe d’une nuit agitée. La douche était froide. Le café était froid. Mais je bouillonnais d’impatience. J’enfilai une paire de bottes de sécurité que j’avais volée à mon dernier emploi- en compensation des primes de licenciement- par-dessus un pantalon de soudeur. Je pris quelques outils et pris soin de me noircir les mains avec du cambouis, histoire de faire croire que j’étais de la même famille que les gens que j’allais rencontrer. Je pris soin de ne pas me raser, et je collais une de ces cigarettes immonde qui trainait dans le coin cuisine qui avait dû être oubliée par mon voisin lors d’un apéro prolongé.
L’indivicar démarra au quart de tour, sans véritable surprise. Je m’engageais dans le flux électrique sans me soucier de celle de devant ni de celle de derrière car le freinage et la facilité à l’intégration s’occupa de tout. Je tenais le volant mais j’aurai très bien pu le lâcher sur cette portion entièrement automatisée. J’avais tapé l’adresse du dépôt mais je dus le faire manuellement, et même en faisant cela, mon GiPoS ne reconnut pas le nom de la rue. D’habitude, il suffisait de dire à voix haute la destination et le programme se chargeait de tout, de vous indiquer si vous aviez des amis bookface dans le secteur, si ils avaient aimé vos publications, combien de temps ils étaient restés connecté sur votre profil, si il y avait la possibilité de covoiturer avec eux et les sujets de conversation que vous pourriez aborder lors du trajet. Avec moi, cette option ne fonctionnait jamais, à croire que j’étais le seul être vivant inscrit sur un réseau social qui n’avait aucun réseau social. J’avais réussi une fois à monter dans le véhicule d’un ancien collègue de travail qui m’avait proposé de me ramener alors que le mien était à l’entretien et cela avait été l’expérience la plus douloureuse de toute ma vie. Je n’avais pas décroché un seul mot, passant mon temps à l’écouter parler de la pluie, du beau temps, des résultats sportifs et de son espérance d’avoir une promotion au sein de l’équipe en tant que conducteur en chef du véhicule incendie. Que de choses dont je me foutais éperdument. Je me moquais du temps, du sport, surtout en équipe et d’une quelconque promotion professionnelle.
Je pris donc le chemin qui me parut le plus judicieux et me félicitai d’avoir imprimé la carte du quartier avant de partir. Arrivé à un embranchement, je pris sur la gauche et vis que le filoguidage avait disparu. Je me sentis tout à coup comme un explorateur ou un chasseur de trésor et cette sensation qui aurait apeurée la plupart de mes contemporains, mal à l’aise devant l’inconnu, m’électrisa. J’en eus besoin, car l’électricité justement disparue subitement de mon indivicar qui se retrouva écartée du réseau, loin de sa mère nourricière. Je réussis à la pousser sur le côté de la route et je continuai en marchant. Les pieds ne tardèrent pas à être douloureux, alourdi par les bottes coquées. Je regardai ma montre connectée pour voir le nombre de pas effectué pour évaluer la distance qu’il me restait à parcourir mais l’écran affichait un écran noir. J’étais hors zone ! C’était la première fois que cela m’arrivait et un frisson me parcourut l’échine.
Au même moment un antique véhicule utilitaire, alourdi par une dizaine d’échelle et de grosses portions sur le toit s’arrêta bruyamment à mon niveau. Le conducteur, un grand gaillard au teint halé et au chapeau de paille défoncé ouvrit sa vitre manuellement. Deux autres types avec le visage buriné était à ses côtés :
-Tu vas où comme ça ?
-Bonjour, je voudrais me rendre au dépôt de couverture qui se situe au…
-Y en a qu’un ! On connait l’adresse et on y va si tu veux. T’as qu’à monter derrière si tu trouves une place. Et traine pas, on a du taf !
J’ouvris la porte arrière et je pris une poignée d’ardoises qui dégringola sur mes pieds. Je remerciai le ciel d’avoir mis les bottes. Je les entendis jurer à l’avant
-Magne, bordel !
Je m’empressai de les ramasser et je refermai la porte. Il n’y avait aucune lumière à l’arrière. Je fus bringuebalé sur quelques kilomètres, entendant des outils tomber à droite à gauche pendant que dans la cabine à l’avant j’entendais rire.
Mon calvaire prit fin au bout de quelques minutes et je fus ébloui lorsque le conducteur ouvrit la porte. Il avait garé le camion à reculons et je me retrouvais directement dans l’atelier.
-Bon, maintenant que t’es ici, on peut savoir ce que tu veux ?
-Je voudrais être couvreur.
Les rires redoublèrent de plus belle. Je vis même des larmes couler sur les joues de certains.
-Et tu comptes monter sur les toits avec tes grosses merdes aux pieds, Bozo ? J’ai hâte de te voir sur l’échelle avec une poignée d’ardoises !
Le grand gaillard avait apparemment envie de me faire renoncer. Il reprit
-Non, plus sérieusement ! T’es un de ces contrôleurs du travail, qui va encore nous bassiner sur le port des E.P.I et de la dangerosité du travail en hauteur et de la chaleur et toutes ces saloperies dont seules les assurances s’inquiètent ?
-Non, je vous jure que non !
-La preuve ! Tu me vouvoie ! Personne ne se vouvoie ici !

(Atelier hors du filo guidage)

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